De Cotonou à Natitingou : lorsque le projet solidaire rejoint la triste réalité

Novembre 2017 – 3 semaines

Dans le cadre de notre bénévolat associatif avec l’Entraide pour la Protection Civile Internationale (EPCI), nous avons, en 2017, effectué un projet solidaire au Bénin.

J’ai déjà réalisé des projets solidaires mais je n’étais jamais allée en Afrique. Étant considéré comme le 8e pays le plus pauvre au monde, nous ne savions pas trop à quoi nous attendre, encore moins Aurélien, pour qui ce type de voyage était une première. Le Bénin fût une découverte surprenante durant laquelle nous avons fait face à une triste réalité. Ce pays est en proie à une crise économique importante, avec des politiques d’améliorations peu efficientes. La culture du coton reste la principale source d’exportation mais n’est pas suffisante pour redynamiser le pays. Les gens sont pauvres, ne mangent pas tous à leur faim et ils ont à peine de quoi se loger, quand ils ne dorment pas dans la rue. Nous avons trouvé, et ce n’est que notre avis, un pays qui attend beaucoup des Organisations Non Gouvernementales (ONG), des associations (dont la nôtre) et des pays internationaux pour un soutien régulier, mais en contre partie, qui ne semble pas vouloir/pouvoir, se développer en autonomie. Nous savons, qu’en y allant nous participons tant à les aider qu’à entretenir cette dépendance, mais nous sommes convaincus que notre aide, tant matérielle que physique a participé, un tant soit peu, à alléger leurs difficultés, durant ces quelques semaines.

Nous avions 3 missions sur place : la formation des pompiers aux méthodes d’excavation des puits, la formation des pompiers et personnels de l’orphelinat au PSC1 et apporter notre aide à l’orphelinat La Paix, sur Natitingou.

Première mission, sur Cotonou : nous avons appris aux sapeurs pompiers une méthode d’excavation des puits avec, pour seul matériel, une corde et un baudrier. Il faut savoir qu’au Bénin, les puits sont tellement profonds, que, sans matériel, personne ne veut/peut y descendre. Nous avons été surpris de voir que les actions mises en œuvre par les précédentes associations ne sont pas systématiquement poursuivies dans le temps alors même que le besoin est présent. Le matériel donné par les ONG (principalement des camions) reste entreposé au fond de la caserne, car sans moyen financier et sans grande motivation, pour les entretenir, il n’en bougera plus.

Avec Aurélien, qui a servi de cobaye, nous avons formé ces pompiers, afin qu’ils sachent remonter quelqu’un rapidement du puits. Nous leur avons laissé cordes et baudriers en espérant qu’ils s’en servent. Ces chutes sont assez fréquentes et peuvent être mortelles, si même les pompiers s’y refusent à y descendre. Nous avons répété cette formation à plusieurs équipes de pompiers, sur plusieurs jours.

Deuxième mission, sur Cotonou : nous avons formé les pompiers aux premiers secours (PSC1), et ce, afin qu’ils valident le PSC1. Oui, les pompiers de Cotonou n’ont pas tous cette formation, triste réalité. Sous forme de leçons et d’exercices pratiques, nous leur avons appris les gestes qui sauvent rapidement, sans attendre l’arrivée à l’hôpital.

Au Bénin, le rapport à l’argent est bien différent du notre, et nous mesurons la chance de vivre en France. Pour exemple, un accident venait de se produire, nous avons prodigué les premiers soins, en attendant les pompiers locaux, à l’arrivée de ceux-ci, et, avant tout examen de la victime, ils ont demandé à la famille, si elle pouvait payer le transport de la rue à l’hôpital et les soins médicaux. Si la réponse était non, la victime serait restée sur place, sans autre soins et dans le plus simple des actions.

Troisième et dernière mission, sur Natitingou : cette mission, et la plus dure, a été de passer du temps avec les enfants et de réaliser différents travaux d’entretien. Notre présence à l’orphelinat La Paix a duré 2 semaines. Nous avions préparé notre venue, en amont du voyage, afin de valider avec Maman Phoebe, la Directrice, ce que nous pouvions emmener, selon les besoins. Nous avons apporté des jeux, des vêtements, un peu de fournitures scolaires et du petit matériel médical pour créer une armoire à pharmacie (car ici c’est désinfection des plaies à la javel).

Notre plus gros apport, a été du lait infantile pour les bébés, et je peux vous dire que lors de la distribution, celle-ci prend aux tripes. Tous, en veulent et nous tentions d’en donner à tout le monde. Il a été difficile, pour chacun de nous, de vivre ce manque de nourriture, de variété et de quantité. Le Centre d’accueil de la Paix, est le plus gros orphelinat du pays, 111 enfants de 0 à 18 ans grandissent, jouent et suivent une scolarité avec une école indépendante et du personnel qualifié, reconnue par l’état.

En arrivant à l’orphelinat, nous en avons fait le tour avec une « maman de cœur » qui s’occupent des enfants. Nous avons découvert les dortoirs, peu équipés, matelas plus qu’usés lorsqu’il y en a, les cuisines, et la pouponnière où nous attendaient les bébés assis par terre ou dans leurs lits. Ici, on ne se pose pas la question de la poubelle à couches !

Participer à la vie de l’orphelinat nous a été difficile car ces enfants sont heureux mais inconsciemment, nous comparons avec nos pratiques, nos habitudes et nos structures françaises. Ceux-ci sont d’une telle gentillesse, jouant pieds nus, avec un tee-shirt troué, qu’on a envie de leur donner nos chaussures. A contrario, Aurélien, qui avait ses baskets, galérait plus à courir sur le sol instable que les petits 🙂 .

Malheureusement, au regard des coûts financiers, les enfants ne mangent que 2 fois / jour avec peu de diversification alimentaire (principalement de la pâte de maïs, consistante et sans trop de goût, sauf trempée dans de la sauce). Maman Phoebe s’attache à ce que tous les enfants suivent une scolarité et tous les jours garçons et filles participent au levé du drapeau national, en uniformes, et en chantant l’hymne national. Éduqués avec fermeté, ces enfants vont apprendre les matières générales ainsi que la couture, pour les filles (pour coudre les uniformes et reprendre les vêtements), et les travaux manuels, pour les garçons (pour aider à l’orphelinat).

L’orphelinat a tant d’enfants car en Afrique, à l’accouchement, si la maman décède, la plupart des papas placent leur bébé, ne se sentant pas capable de l’élever. Ils sont dans une telle demande d’affection, de tendresse et d’attention, c’est très touchant.

Heureusement, que le centre d’accueil La Paix, existe car Maman Phoebe, œuvre, au quotidien, pour ces enfants, pour qu’ils aient une éducation, des manières et des valeurs, et ce n’est pas chose facile, lorsque vous devez sans cesse vous battre pour tout : pour trouver de la nourriture, pour trouver de l’argent, pour trouver des jeux, pour les éduquer. Cette infrastructure est la plus importante du Bénin, et sans cet établissement, toutes les semaines, des bébés seraient abandonnés et laissés dans la rue. Maman Phoebe, a sa rigueur, certes, mais elle aime de tout son cœur les petits et son orphelinat.

Nous avons passé plusieurs semaines à leurs côtés durant lesquelles nous avons joué, colorié, fait du foot, beaucoup de fooooooot. Nous avons également réalisé des travaux d’entretien extérieur (remblai de la balançoire et des toboggans pour permettre aux enfants d’y jouer de nouveau). Nous avons également créé une infirmerie (avant notre arrivée, une pièce vide, servait d’infirmerie) et distribué beaucoup de lait et biberons. Tous les matins, Aurélien faisait la répartition du lait, et, systématiquement, tous les enfants accouraient pour en avoir. A chaque distribution, les « mamans de cœur » tenaient les rennes, pour que tout le monde puisse avoir sa portion. Les plus petits étaient assis par terre et attendaient avec leur pichet, quant aux plus grands, c’était seulement s’il en reste. Ces mamans ont le cœur sur la main tout en faisant preuve d’une autorité naturelle. Autant vous dire que l’acquisition de la marche est assez rapide, puisque, par manque de temps, pour chaque enfant, les bébés marchent tôt (en moy. 6-8 mois).

Lorsque nous y étions, l’orphelinat venait de subir une vague de peste, ces maladies rares, en France, sont encore bien présentes en Afrique. La plupart des matelas avait été jetés mais par manque de moyens financiers, ils n’avaient pas été remplacés. Au vu de la nécessité de la situation, et puisque les enfants dormaient sur des planches, notre association a décidé de prendre en charge et de faire remplacer 35 matelas, principalement ceux des adolescents et de la pouponnière. Nous avons cherché et trouvé un artisan tanneur, sur place, qui, par chance, a pu confectionner ces matelas avant notre départ. Revêtement simili cuir et facile à nettoyer, ils sont repartis pour 30 ans. Lorsque nous les avons donné à Maman Phoebe, c’était jour de fête. Les enfants étaient si contents, que, 6 ans après, nous nous rappelons précisément leurs émotions et leurs regards. Une belle leçon d’humilité et de fierté pour notre association.

Rien ne se perd, rien ne se créer, tout se transforme !

Cette citation résume parfaitement, la suite des matelas usés car au Bénin, rien n’est gaspillé. Notre guide local, Ismaël, nous indique qu’un village Peul, accepterait, sans problème, ces matelas afin de leur donner une seconde vie. Ni une, ni deux, Ismaël nous conduit dans la brousse afin de rencontrer ce peuple, surpris, de n’avoir jamais vu de « blancs », mais tellement honorés de notre don ! Ici, c’est le monde à l’envers, nous leur apportons des matelas miteux, il faut le dire, et eux nous remercient avec une telle chaleur, qu’on en a tous perdus nos mots, que dire ?

Par la suite, nous avons également fait fabriquer, sur place, des moustiquaires afin de changer celles trouées et d’en poser, là où il n’y en avait pas pour tenter de limiter les piqures de moustiques (surtout pour les plus petits, qui réagissent vite). Nous avons également fait fabriquer des morceaux en bois, pour faire des attelles. Nous les avons assemblées, avec Maman Phoebe, car ils n’utilisent que ce type de pièces pour remettre en place l’articulation déplacée.

Par manque de nourriture, et pour ne pas grever les rations des enfants, nous ne mangions pas sur place mais à l’auberge le Bélier où nous y avons également séjourné.

Quitter l’orphelinat n’a pas été simple, comme à chaque projet solidaire, ce sentiment d’abandon reste intact, alors même que nous savons, en partant, que nous ne pouvons pas les sauver mais c’est plus fort que nous, on y pense. Ces pays souffrent atrocement de la pauvreté et notre action, et toutes celles des ONG contribuent, malgré tout, à les aider et à les soutenir durant un temps donné.

Passé les premières semaines et avant de rentrer en France, nous avons pris quelques jours pour visiter les principaux sites du Bénin.

La randonnée dans les Chutes de Kota. Ces chutes forment un ensemble de cascades protégées par l’Etat du Bénin. Elles se situent à une vingtaine de km de Natitingou, à l’est de la chaîne de l’Atakora et permettent une pause fraîcheur appréciable. Nous avons traversé quelques villages et observé une faune et flore variée. Accessible, malgré quelques passages escarpés, cette randonnée reste très sympa à faire. Sur le chemin, nous avons échangé avec une femme qui fabriquait son charbon, avant d’aller le vendre sur le marché. Autant vous dire qu’elle n’avait pas froid… Ces cascades sont hautes de 100m, il faut rester vigilant, car les roches glissent.

Dormir sur le toit terrasse d’une Tata Somba. Nous sommes allés sur Koussoucoingou, au nord ouest du Bénin, par la chaîne de l’Atakora, afin de dormir sur le toit terrasse d’une tata somba. Ces maisons traditionnelles du nord du Bénin, servaient d’habitat, de greniers (pour stocker les réserves) et de forteresse au peuple Otammari. Architecture singulière, et désormais classée à l’Unesco, car en voie de disparition, celles-ci sont faites en terre, bouse de vache et paille. Voir un coucher de soleil, du haut de leurs toits était vraiment une expérience unique. La nuit sous les étoiles était superbe, mais Aurélien, quant à lui a été malade toute la nuit. Sans doute n’a t-il pas digéré le repas du soir, un poulet grillé, plumé et lavé au savon de Marseille … .

Le Musée historique d’Abomey. Celui-ci se situe dans l’enceinte des palais royaux d’Abomey, notamment Ghézo et Glèlè. Son parc est immense et le site est également classé à l’UNESCO. Les collections abritent des sièges royaux, des statuettes et objets culturels, vestiges du temps des royaumes. Honnêtement, ce musée est à visiter pour le côté historique et touristique, mais il y a peu d’objets comparés à d’autres musées. De plus, tous les bâtiments ne sont pas accessibles et les présentoirs sont malheureusement peu nettoyés.

Le temple des pythons, à Ouidah. Sanctuaire vaudou initialement crée dans un espace boisé, ce temple est aujourd’hui en plein cœur de la ville. Situé à côté de la Basilique de l’Immaculé Conception, la visite effectuée par un guide, ne dure pas longtemps et celle-ci reste chère pour le temps passé. Le temple est petit et le seul côté sympa réside dans le fait de porter un python.

La route des esclaves. Ouidah est la 2e porte de départ des esclaves, après celle de Pointe Noire au Congo. Projet crée par l’UNESCO afin de conserver le souvenir, cette « route » se décompose en 6 étapes, chargé d’histoire et d’émotions, ce chemin est à faire, pour tenter de comprendre les derniers moments des esclaves africains.

Etape 1 : la sélection des esclaves, sur la « Place Chacha ». Une fois sélectionné et acheté par les négriers, les esclaves étaient marqués au fer chaud, afin de les reconnaître sur le lieu de la destination. Ceux retenus étaient principalement des hommes forts et en bonne santé.

Étape 2 : l’arbre de l’oubli. Une fois marqué, les esclaves étaient enchainés et envoyés vers l’arbre de l’oubli. Ils devaient en faire 9 fois le tour, pour les hommes et 7 fois, pour les femmes. L’objectif étant de leur faire oublier leur origine et leur tradition.

Étape 3 : le village de Zoungbodji. Dernier village avant l’embarquement, les esclaves y étaient affamés pour les rendre faible et ainsi réduire leurs contestations. Ils étaient enfermés dans des espaces exigus, durant 66 jours, afin de les habituer aux cales des bateaux.

Étape 4 : le cimetière

Étape 5 : l’arbre de retour. Celui-ci permet le retour spirituel de l’âme des esclaves.

Étape 6 : la porte de non retour. Elle constitue le passage d’où l’on ne peut plus revenir. Les esclaves étaient épuisés suite à cette route, ainsi, une fois cette porte passée, ils n’en revenaient jamais. Cette porte garde la trace de ces 6 étapes, puisque elles y sont représentées sur chacune des faces. La route des esclaves s’achève en bord de mer sur la plage de Djegbadji.

Le village souterrain de Bohicon. Bohicon se situe au sud du Bénin, dans le village d’Agongointo, département du Zou. Son site archéologique souterrain, situé en plein cœur de la ville, est unique et est classé au patrimoine national. On y retrouve 56 abris souterrains répartis sur 7 hectares. Ce site archéologique met en valeur une flore particulièrement luxuriante et nous pouvons voir l’importance du culte vaudou, en Afrique.

La citée lacustre de Ganvie. Nous avons passé 2 jours sur Ganvie, superbe citée lacustre sur le lac Nokoué, elle vaut vraiment l’arrêt. Les paysages sont magnifiques et ces maisons sur pilotis sont pleines de charme. L’ambiance y est calme, nous n’entendions que les pirogues et les « coupeurs » de fruits. Surnommée, la « Venise de l’Afrique », cette citée est vraiment apaisante et permet une pause, dans un voyage, dans un itinéraire tracé. Ce village vit principalement de pêche et de ventes de fruits frais, coupés devant vous, à même la pirogue. Nous avons dormit chez l’habitant, dans une chambre plus que sommaire et nous avons terminé notre nuit, sur les marches de la maison, sur lesquelles nous nous sommes fait ravager par les moustiques

Mot de la fin : revenir du Bénin en période de Noël, nous a rappelé la chance que nous avions de vivre en France. Ce retour, nous a montré que la (sur) consommation est plus que présente dans notre société. Bien sûr, nous en profitons, nous consommons aussi, mais nous essayons au quotidien de faire attention à nos actes et à nos achats. Ce voyage solidaire nous rappelle que la simplicité, l’humanité et la solidarité existent. Maman Phoebe exerce une tâche, juste incroyable, dans un pays, où tout développement, semble compromis.

Quant au côté pratique du voyage, le Bénin reste un petit pays et nous conseillons de ne pas y rester plus de 15 jours. Les visites sont intéressantes mais pas assez fournies. En amont, pensez au visa et aux vaccins (fièvre jaune, traitement contre le paludisme).

Aspects pratiques :

Transports : avion : Marseille – Paris

Paris – Cotonou

Sur place : location d’un minibus pour 7 personnes + indemnisation du guide local

Visas : obligatoire à faire avant le départ

Vaccins : fièvre jaune + traitement anti-paludisme

Hébergements :

Ouidah : Hôtel la joie

Abomey : Carfour Hotel

Cotonou : 3 nuits – Guesthouse Haie Vive

Natitingou : 10 nuits – auberge « Le Bélier »

Repas :

Natitingou : Restaurant chez Guillaume

Auberge le Bélier

Cotonou : Chez Maman Bénin

Terrasse le resto

Abomey : Ets Auberge du lac Chez « M »

Vers les tatas somba : Maquis saveur des collines « chez tata Nadine »

Monnaie : en 2017 : 1 € = 655 Fcfa

Climat : nous étions au Bénin, en novembre, le climat était très humide. Aurélien a eu chaud, très chaud et l’humidité du pays (notamment sur Cotonou) reste lourde.

Activités :

Koussoucoingou : dormir sur le toit terrasse d’une tata somba, je recommande fortement cette « activité », c’est très appréciable, d’être dans la nature et en même temps de dormir dans ces habitats si particuliers

La route des esclaves : Ouidah, 2000 F cfa

Le temple des pythons : Ouidah, 1000 F cfa

Le Musée historique d’Abomey : Abomey, 1500 F cfa

Le parc archéologique de Bohicon : Bohicon, 2000 F cfa

Equipements :

2 sacs de 23 kg / personne pour l’orphelinat et les pompiers

1 sac cabine par personne

Nous n’avions que peu d’affaires personnelles, nous étions habillés avec les tee-shirts de notre association, et le pantalon modulable, de chez Décathlon, a quasiment fait les 3 semaines.

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